IRAN Les manifestations se radicalisent
Une correspondance d’un militant de l’Organisation marxiste (Iran)

L’Iran a de nouveau sombré dans le chaos et l’agitation. Cette explosion n’est pas inhabituelle dans la situation de ces dernières années et, une fois de plus, les rues des grandes villes se sont transformées en champ de bataille où se rassemblent ceux qui en ont assez du régime théocratique, qui veulent lutter contre la tyrannie des mollahs qui se sont emparés du pays depuis quatre décennies.
La dernière série d’émeutes a été déclenchée par le décès d’une jeune femme kurde, Mahsa Amini, qui avait été arrêtée par la tristement célèbre « police des mœurs ». Elle a été hospitalisée alors qu’elle était tombée dans le coma, de toute évidence après avoir été battue pendant sa détention.
Le dernier d’une longue série de violences contre les femmes
Cet assassinat est le dernier en date d’une longue série de violences contre les femmes, malmenées et maltraitées brutalement par les forces de police chargées de faire respecter un code vestimentaire arbitraire imposé aux Iraniennes, dont l’une des obligations exige que les femmes se couvrent les cheveux par le port obligatoire du voile.
Cette loi, entrée en vigueur près d’un an après la révolution islamique de 1979, a été un point de discorde permanent entre le régime et les femmes, discorde qui s’est intensifiée au fil des ans. Mais c’est la première fois depuis des décennies qu’elle est au centre du conflit entre le peuple et le gouvernement. Des personnes de tous horizons se soulèvent dans de nombreuses villes et le feu s’est propagé jusque dans certains cercles religieux qui considèrent que leur foi est détournée et manipulée par le gouvernement.
Les manifestations se radicalisent, visant le régime
Comme pour tous les incidents similaires survenus en Iran au fil des ans, les manifestations se sont rapidement radicalisées, visant le régime et sa légitimité, ainsi que son tyran, l’ayatollah (guide religieux chiite, faisant office de chef de l’État officieux – ndlr) et ses amis corrompus. Dans un pays qui n’a pas connu d’élections libres depuis plus de quarante ans, qui est dirigé par un despote religieux réactionnaire et une bande de corrompus, un pays dont l’économie est en ruine en raison d’années de népotisme et de corruption rampante, le tout exacerbé par les sanctions internationales, toute manifestation peut facilement se transformer en une confrontation à grande échelle, comme c’est le cas aujourd’hui.
De plus, les groupes d’opposition kurdes, qui étaient présents en masse aux funérailles de Mahsa, ont appelé la population à la résistance et à la grève. Les rapports font état d’au moins huit morts à ce jour dans les affrontements entre les forces gouvernementales et les émeutiers.
Des syndicats ont apporté leur soutien aux manifestants
Ispahan, Shiraz, Téhéran et presque toutes les grandes villes d’Iran ont connu des manifestations similaires, dénonçant la mort de la jeune femme et des années d’oppression par le régime. Différents syndicats de travailleurs, notamment le syndicat des enseignants, ont apporté leur soutien aux manifestants et au droit des femmes à choisir librement leur tenue vestimentaire.
Cette série de protestations sera-t-elle écrasée par la répression du gouvernement ou bien donnera-t-elle naissance à un mouvement plus important ? La colère et le mécontentement de la population contribuent certainement à l’espoir de voir ce mouvement s’amplifier contre le régime. Mais le manque de direction et d’organisation des manifestants fait qu’il est plus probable que, comme les précédentes, cette flamme s’éteigne sous les coups d’une répression brutale d’un régime qui n’hésite pas à ouvrir le feu sur ses propres citoyens.
Un militant de l’Organisation marxiste d’Iran, le 21 septembre 2022
Repères
Le 13 septembre, Mahsa Amini, 22 ans, jeune femme originaire du Kurdistan (au nord-ouest de l’Iran) en visite chez des parents à Téhéran, est arrêtée par la « police des mœurs » qui lui reproche de mal porter son voile. Tombée dans le coma au cours de sa détention, elle est hospitalisée et décède le 16 septembre. Dès les 17 et 18 septembre, des manifestations de protestation ont lieu dans la province du Kurdistan, paralysé par une grève générale le lendemain. Le 19, les manifestations commencent à Téhéran, notamment dans les universités, et gagnent une par une les grandes villes d’Iran, avec une forte participation des femmes, mais aussi des hommes.