URGENT

Liberté pour les femmes américaines ! Liberté pour les femmes afghanes ! Liberté pour les femmes du monde entier !

États-Unis

Par centaines de milliers, femmes et hommes : « Ne touchez pas au droit à l’IVG, ce n’est pas à la Cour suprême de décider ! »

Devant la Cour suprême à Washington, le 3 mai : «  Maintien du droit d’avorter dans des conditions sûres ! »

Dès qu’a fuité dans la presse l’intention de juges réactionnaires de la Cour suprême de remettre en cause le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), des milliers, puis des centaines de milliers de femmes et d’hommes, parfois avec les organisations syndicales, sont descendus dans les rues de tous les États-Unis. Le 14 mai, d’importantes manifestations auront lieu pour défendre ce droit démocratique.

«Bas les pattes devant notre corps ! », « L’IVG relève de notre droit à la santé ! » Lundi 2 mai au soir, peu après qu’a fuité dans la presse le projet de la Cour suprême des États-Unis visant à remettre en cause l’arrêt Roe v. Wade (arrêt de la même Cour suprême, pris en 1973, qui protège le droit à l’interruption volontaire de grossesse), des rassemblements ont eu lieu devant la Cour suprême et les tribunaux fédéraux dans tout le pays.

« Nous refusons de laisser la Cour suprême des États-Unis nier l’humanité des femmes et détruire leurs droits », pouvait-on lire sur une grande banderole accrochée au palais de justice de Foley Square, à New York. « Les libertés démocratiques et les droits reproductifs sont inextricablement liés », ont déclaré les responsables syndicaux lors d’un rassemblement des syndicats de la baie de San Francisco, devant l’administration gouvernementale d’Oakland (Californie). « Une attaque contre les droits reproductifs des femmes est une attaque directe contre tous les travailleurs », ont-ils affirmé.

Le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes est menacé

Devant la Cour suprême à Washington, le 3 mai : « L’avortement est essentiel »

Si la Cour suprême imposait sa volonté, plus de cent millions de femmes perdraient l’accès à un avortement légal et sous contrôle médical, notamment dans presque tous les États du Sud et dans de nombreux États du Midwest. Le droit à l’avortement peut être interdit, ou est susceptible de l’être, dans vingt-six États (sur cinquante au total) via des lois ou des amendements constitutionnels déjà en place. Ces lois sont des attaques contre le droit de chaque femme à disposer de son corps et de son avenir. Elles réduisent la femme à être une propriété, lui imposant des responsabilités en matière de procréation et d’éducation des enfants si elle tombe enceinte, ou la forçant à faire le choix traumatisant d’abandonner son enfant. Ces lois représentent une véritable « guerre contre les femmes ».

70 % des femmes aux États-Unis aujourd’hui ont grandi à une époque où l’arrêt Roe de 1973 était en vigueur. Elles se sont battues, État par État, contre les tentatives de restreindre l’accès au droit à l’avortement, voire de l’interdire. Cela d’autant que 90 % des comtés (division territoriale à l’intérieur des États) ne disposent aujourd’hui d’aucune clinique où peut s’exercer le droit à l’IVG. Lorsque, dès 1976, le gouvernement fédéral a coupé les fonds publics à ces établissements, il a fallu faire appel à des levées de fonds privés pour permettre aux femmes les plus pauvres d’avoir accès à l’IVG.

Une poignée de juges réactionnaires prétend décider à la place des femmes

Mais presque personne ne s’attendait à ce qu’une majorité de juges de la Cour suprême, bien que très conservateurs, auraient l’audace de remettre en cause l’arrêt Roe.

Par son projet, le juge Alito ne manifeste pas seulement un mépris total à l’égard des femmes, mais aussi une lecture étroite de la Constitution, prise comme un manuel de dogmes bibliques gravés dans le marbre, et non comme un document à interpréter au gré des évolutions de la société.

Pour étayer son projet, le juge Alito s’appuie sur des jurisprudences remontant au XIIIe siècle, à l’époque de la Common Law anglaise, une époque où la femme était considérée comme la propriété de son mari. Tout cela pour conclure qu’historiquement l’avortement est, selon lui, « un crime ». Parmi les citations les plus scandaleuses d’Alito, on trouve celle du lord anglais sir Edward Coke (XVIIe siècle) selon qui l’avortement est « un délit odieux, qualifiable de félonie ». Le même Coke est l’auteur des lois anglaises sur la sorcellerie, punissant de mort femmes et enfants !

New York, 3 mai : « Nous refusons de laisser la Cour suprême des États-Unis nier l’humanité des femmes et liquider leurs droits !  ». Les manifestants brandissent les visages des juges de la Cour suprême.

Les femmes n’ont rien à attendre du Parti démocrate !

La décision imminente de la Cour suprême pourrait être contrée par une législation fédérale qui remplacerait les lois anti-avortement adoptées dans les États. Les femmes et les hommes qui manifestent dans tout le pays demandent d’ailleurs : « Où est Biden ? » « Où est la loi sur la protection de la santé des femmes (WHPA) » qui garantirait le droit à l’avortement ?

Mais qu’est-ce que les femmes peuvent attendre du Parti démocrate, celui-là même qui refuse leurs droits aux Noirs, qui refuse toute mesure garantissant les besoins vitaux de près d’un tiers de la population américaine qui vit dans l’insécurité alimentaire et sanitaire ? Un parti qui vote systématiquement pour les guerres de pillage contre les peuples du monde entier ?

Ce sont la classe ouvrière et tous les opprimés qui ont le plus à perdre dans cette affaire.

Liz Shuler, présidente de la centrale syndicale AFL-CIO, a déclaré : « Nous devons pouvoir être maîtresses de nos propres corps », soulignant « l’impact direct qu’une telle décision aurait sur la justice sociale et la capacité des travailleurs à améliorer leur vie et celle de leurs familles ».

Fort bien, mais la question centrale dans le mouvement syndical demeure : « Dans quel camp êtes-vous ? » Il est grand temps que Liz Shuler et les autres dirigeants du mouvement syndical rompent avec les démocrates et démontrent qu’ils sont vraiment du côté des femmes et de toute la classe ouvrière, pas seulement en paroles mais en actes.

Il est urgent, dans nos mobilisations, de manifester notre puissance politique, non en élisant des démocrates, mais en construisant notre propre parti politique, un parti de la classe ouvrière enraciné dans le mouvement syndical et pour les opprimés. Un parti indépendant de la classe capitaliste dirigeante et du Parti démocrate qui sert ses intérêts.

De notre correspondante aux États-Unis, Mya Shone, militante de Socialist Organizer

Qu’est-ce que Roe v. Wade ?

Roe v. Wade (« Roe contre Wade ») est l’affaire qui a permis de faire du droit à l’avortement un droit « fondamental ». Jusqu’à la décision de la Cour suprême du 22 janvier 1973, il n’existait aucune protection fédérale de ce droit. L’avortement était illégal dans trente États et les vingt autres États avaient des lois qui autorisaient l’avortement dans des circonstances souvent restrictives. Par sa décision de 1973, la Cour suprême a laissé la décision d’interrompre une grossesse à la femme elle-même avant le point de « viabilité » où un fœtus peut survivre hors de l’utérus, aujourd’hui considéré comme étant à vingt-trois semaines. Avant 1973, l’Académie américaine des gynécologues et obstétriciens estimait que 1,2 million de femmes américaines avaient dû recourir à un avortement illégal chaque année. Ces avortements illégaux ont provoqué jusqu’à 5 000 morts par an.

Les lois anti-avortement des États
Les exemples du Texas et de l’Alabama

Une Américaine sur dix vit au Texas. La nouvelle loi texane dite du « battement de cœur » de septembre 2021 (que la Cour suprême a validée, balayant toute contestation juridique) incite les citoyens à dénoncer et à poursuivre en justice toute personne pratiquant l’IVG plus de six semaines après la conception, sans aucune exception en cas de viol, d’abus sexuel, d’inceste ou de diagnostic d’anomalie fœtale. Toute personne qui aide une femme à avorter de quelque manière que ce soit (un ami qui a aidé financièrement, un chauffeur de taxi qui a conduit la patiente chez le médecin, etc.) peut également être condamné. Or six semaines après la conception, la plupart des femmes ne savent pas qu’elles sont enceintes. Environ 85 % à 90 % des femmes qui se font avorter au Texas sont enceintes d’au moins six semaines.
L’État de l’Alabama a ouvert la voie à l’interdiction totale de l’avortement lorsque sa « Loi sur la protection de la vie humaine » a été promulguée le 15 mai 2019. Cette loi prétend que la « personnalité » commence à la conception et ne prévoit aucune exception à l’interdiction de l’IVG, y compris pour des grossesses résultant d’un viol ou d’un inceste. En conséquence : tout médecin qui pratique ou tente de pratiquer une IVG est considéré comme un « criminel » risquant une peine de quatre-vingt-dix-neuf ans de prison.

AFGHANISTAN 

Femmes portant la burqa à Hérat (Afghanistan, 2009).

Par décret, le 7 mai, le gouvernement taliban impose aux femmes le port du voile intégral masquant le visage, à l’exception des yeux. Mais c’est encore trop et le décret stipule qu’il est « mieux pour elles de rester à la maison ». Cette décision intervient après celle du 23 mars chassant des écoles des millions de filles et de jeunes filles.

Les talibans, milice fanatique fabriquée dans les années 1990 par les services secrets pakistanais, sont revenus au pouvoir en août 2021, après accord des présidents des États-Unis Trump et Biden.

Comme le rappellent les militants de la Gauche radicale d’Afghanistan (LRA) : « Après vingt ans d’occupation militaire (2001-2021), les États-Unis ont décidé de rendre le pouvoir aux talibans. Ils ont lancé une vaste campagne médiatique pour rendre les talibans “présentables”, affirmant que leurs pratiques avaient changé. Les États-Unis se sont dits “optimistes” quant au fait que les talibans ne restreindraient plus les libertés, ne s’opposeraient plus aux droits des femmes, n’entraveraient pas le droit au travail des femmes ni leur présence dans la société. C’est ainsi que les États-Unis ont signé un “accord de paix” en février 2020 à Doha (Qatar) avec les talibans, et les ont replacés au pouvoir en août 2021 après le retrait des forces de l’OTAN. Dès le lendemain de leur retour au pouvoir, les talibans ont imposé de sévères restrictions aux droits des femmes. (…) Les talibans n’ont pas changé depuis les années 1990. Ils savent que des femmes, alphabétisées et instruites, n’accepteront pas d’être confinées à la maison : elles voudront travailler et gagner leur vie, se libérer de l’asservissement des hommes par leur indépendance financière et se battront pour l’égalité des droits et la liberté. »

Faut-il rappeler que, le 31 août 2021, après avoir livré Kaboul aux talibans, Joe Biden osait déclarer : « Nous continuerons à défendre les droits fondamentaux du peuple afghan, en particulier des femmes et des filles (…). Et j’ai été clair : les droits de l’homme seront au centre de notre politique étrangère. »

Les militants de la Gauche radicale d’Afghanistan (LRA), qui ont participé aux manifestations à Kaboul contre les mesures anti-femmes, ont mille fois raison d’affirmer : « Le peuple afghan ne place aucun espoir dans la prétendue “communauté internationale” puisque c’est elle qui est responsable de son sort. Le peuple afghan ne peut compter que sur les forces progressistes, démocratiques et laïques, sur le “Mouvement spontané des femmes qui protestent” et sur la solidarité des travailleurs et des femmes dans le monde entier. Demain, le peuple afghan renversera la tyrannie misogyne et médiévale des talibans. »

Article paru dans
La Tribune des Travailleurs (France) 

FRANCE 

Le POID a organisé un rassemblement le 9 mai devant l’ambassade des États-Unis pour dénoncer l’intention honteuse des juges de la Cour suprême des États-Unis de remettre en cause le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG)

The POID organised a picket on 9 May in front of the US Embassy

Christel Keiser, secrétaire nationale du POID, est revenue sur ce droit qui existe aux États-Unis depuis 1973, un droit fondamental consacré par un arrêt de la Cour suprême rendu le 22 janvier 1973, l’arrêt Roe contre Wade (Roe pour Jane Roe, le pseudonyme choisi par Norma McCorvey, une jeune femme de 21 ans qui, enceinte pour la troisième fois, souhaitait avorter. Et Wade pour Henri Wade, procureur de Dallas et représentant de l’État du Texas).

Elle a expliqué les conséquences de la remise en cause de ce droit pour des millions de femmes (lire ci-dessous l’article de Mya Shone).

Insistant sur les arguments incroyables utilisés par la Cour suprême pour justifier sa décision – une jurisprudence remontant au XVIIIe siècle, époque où la femme était juridiquement la propriété de son mari, elle a indiqué : « Aujourd’hui encore, nous sommes dans une société dominée par le genre masculin, dans une société qu’on peut qualifier de patriarcale qui décide à la place des femmes. Une société patriarcale où les femmes doivent rester de fait la propriété de leur conjoint, de même que les moyens de production doivent rester la propriété privée des capitalistes. Et c’est pour cela que cette société peut chercher à imposer aux femmes de poursuivre une grossesse non désirée. »

Elle a poursuivi sur la situation en France et sur les mesures urgentes que devrait prendre un gouvernement ouvrier, en France comme aux États-Unis.

Christel Keiser :

« Le droit à l’ivg doit être inconditionnellement défendu, sur le plan juridique mais aussi dans les faits. En France, ce droit existe depuis 1975. Une conquête démocratique gagnée grâce à la mobilisation des associations de femmes, mais aussi des organisations du mouvement ouvrier. D’abord très restrictif, le droit à l’IVG est devenu petit à petit accessible à toutes les femmes.

Pour autant, peut-on dire que toutes les femmes qui en ont besoin peuvent accéder à l’IVG en France, aujourd’hui ? Certainement pas !

Les centres d’IVG ferment les uns après les autres, fermetures liées aux restructurations hospitalières, aux fermetures de maternité (quand une maternité ferme, un centre d’IVG ferme) et aux suppressions de poste. Depuis 2017, 8 % des établissements réalisant des IVG ont fermé, soit 130 centres. De nombreux départements ne disposent pas d’un centre d’IVG, obligeant les femmes à parcourir des dizaines, voire des centaines de kilomètres.

Cette situation est le résultat de la politique menée par les gouvernements successifs depuis des décennies et aggravée par le gouvernement Macron-Castex-Véran, une politique qui étrangle financièrement les hôpitaux publics, les maternités et les centres d’IVG et qui dégradent les conditions de travail des personnels. On a vu les conséquences de cette politique durant l’épidémie de Covid, on la voit aujourd’hui avec l’annonce de la fermeture de plusieurs services des urgences dans tout le pays.

Et pendant ce temps, l’argent coule à flots pour les capitalistes. 607 milliards leur ont été offerts depuis le début de la pandémie, des milliards pour organiser les plans de licenciement. 

Contre la menace de la Cour suprême, une question immédiate se pose : celle de la mobilisation massive pour le maintien de l’IVG. Au-delà de cette mobilisation, cela pose une autre question : aux États-Unis comme en France, quel gouvernement rétablira réellement le droit à l’avortement ?

Aux États-Unis, Biden critique la décision de la Cour suprême. Il dit qu’il encourage la mobilisation. Mais pourquoi ne décide-t-il pas l’adoption d’une législation fédérale qui pourrait contrer la décision de la Cour suprême et qui remplacerait les lois anti-avortement adoptées dans plusieurs États ? Il en a le pouvoir, il refuse de le faire. Quant aux organisations syndicales, qui ont apporté leur soutien à l’élection de Biden, peuvent-elles subordonner leur action aux décisions – ou aux non-décisions – du président ?

En France, le droit à l’avortement pour toutes suppose une décision : celle d’attribuer les moyens financiers nécessaires – et donc la réouverture des centres d’IVG fermés, l’ouverture de tous les centres d’IVG avec les personnels nécessaires pour répondre aux besoins des femmes. Et cette décision suppose de rompre avec la politique menée depuis des décennies et de confisquer les milliards offerts aux capitalistes pour les affecter aux besoins des femmes.

C’est le combat du POID en France. La démocratie, c’est la loi de la majorité. Et un gouvernement de la majorité devrait dégager tous les moyens pour faire respecter les droits des femmes, et notamment le droit à l’avortement.

Le hasard des dates a voulu qu’entre en vigueur aujourd’hui un décret pris le 7 mai par le gouvernement taliban en Afghanistan, décret qui impose aux femmes le port du voile intégral masquant le visage à l’exception des yeux. Le décret va jusqu’à affirmer qu’il est “mieux pour elles de rester à la maison” (…). Des talibans (…) revenus au pouvoir en août 2021, après accord des présidents des États-Unis Trump et Biden.

Des présidents fauteurs de guerre, en Ukraine aujourd’hui, en Irak et en Afghanistan hier.

Contre les guerres impérialistes, contre l’exploitation capitaliste, pour la défense des droits des femmes, est convoquée, fin octobre 2022, une conférence internationale pour la défense des droits des femmes travailleuses, à l’initiative de Rubina Jamil, secrétaire générale de l’APTUF au Pakistan, et de moi-même, secrétaire nationale du POID.

Une conférence à laquelle participeront, notamment, des militantes ouvrières américaines qui feront part de leur combat pour la défense du droit à l’IVG.

(…) Le 14 mai prochain, d’immenses manifestations vont avoir lieu aux États-Unis pour défendre le droit à l’IVG.

Le POID apporte son soutien aux femmes – et aux hommes – qui manifesteront ce jour, aux États-Unis, pour défendre un droit imprescriptible.

Liberté pour les femmes afghanes !
Liberté d’avorter pour les femmes aux États-Unis !
Liberté pour toutes les femmes, contre la double oppression et l’exploitation capitaliste dont elles sont victimes ! »