TUNISIE Dans les centres d’appel Téléperformance, les assemblées générales préparent la grève
Entretien avec Ali Ourak, secrétaire général du syndicat des technologies de l’information et de la communication de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), travailleur à Téléperformance Tunisie.

Quelles sont les conditions de travail dans les centres d’appel ?
Téléperformance est arrivée en Tunisie en 2001 et emploie aujourd’hui 8 300 salariés dans les sept centres d’appel du pays. Dans les premières années régnait une exploitation féroce. Les premiers syndicats, affiliés à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) ont été fondés en 2007. En 2013, il y a eu d’importantes luttes (lire encadré). Depuis la création des syndicats, les travailleurs ont arraché d’importantes améliorations de leurs conditions de travail, des augmentations de salaire.
Bien entendu, l’entreprise est dans la logique de « libre circulation des capitaux », après l’implantation des centres d’appel en Tunisie et au Maroc, elle envisage aujourd’hui de délocaliser la production vers l’Afrique subsaharienne, à la recherche de toujours plus de flexibilité. En mars de l’année passée, avec la covid, les multinationales ont montré que le bien-être de leurs salariés n’était pas leur problème. À l’UGTT, nous estimons que la richesse de ces multinationales provient des salariés et que c’est donc le droit des salariés de négocier chaque année des augmentations de salaire.
Comment se prépare la grève ?
En janvier, les négociations annuelles se sont ouvertes avec notre employeur, Téléperformance. Cette année, l’entreprise est entrée au CAC 40. Lors des négociations en janvier, la direction a proposé 0 % d’augmentation de salaire ! Ils prétendent que l’entreprise est en difficulté, depuis la pandémie, mais les résultats de l’entreprise montrent qu’elle va très bien. Alors, le syndicat a commencé à réunir les assemblées générales, une AG par centre d’appel. Dans ces assemblées générales, en présence des syndicats de base et de la fédération, les salariés ont voté la grève pour les 24 et 25 mars. Chaque assemblée générale se clôture par un arrêt de production d’une heure, et ces arrêts sont très massifs, suivis à près de 100 %. Aujourd’hui se tient la dernière assemblée au centre de Sousse.
Propos recueillis par Dominique Ferré, le 19 mars 2021
Une entreprise du CAC 40
La multinationale française Téléperformance fait partie du CAC 40, avec 5,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020. Des marges de bénéfice exigées par ses actionnaires, dont le fonds d’investissement américain BlackRock, que Téléperformance réalise sur la base de l’exploitation de ses 380 000 salariés.
Plus de 50 jours de combat syndical en 2013
Le 26 février 2013, Téléperformance Tunisie licencie arbitrairement cinq salariés. Le syndicat de base UGTT appelle à l’occupation des locaux (sit-in), puis à une grève de la faim pendant neuf jours. La grève, du 1er au 3 avril, rassemble plus de 80 % de grévistes sur certains sites, pour l’annulation des sanctions, l’amélioration des classifications, l’augmentation des salaires et l’application des anciens accords (prime ramadan, etc.). Après plus de cinquante jours de lutte, un accord a été signé, consacrant un recul de la direction.