URGENT

ÉTATS-UNIS « Pas une goutte de sang pour les intérêts capitalistes ! » Interview d’Ajamu Baraka, responsable national de Black Alliance for Peace

Interview réalisée ce 26 janvier 2020 par Alan Benjamin, membre du comité de rédaction du journal The Organizer.

Alan Benjamin : Peux- tu nous dire ce qu’il s’est passé hier, journée internationale de mobilisation contre la guerre à l’appel des coalitions anti-guerre et dans laquelle la Black Alliance for Peace a joué un rôle important ? 

Ajamu Baraka: C’est une évo­lution positive de voir que des dizaines de milliers de personnes à travers les États-Unis ont exprimé leur opposition à la guerre contre l’Iran, guerre voulue par le Parti républicain, dirigé par Donald Trump, et aussi par les démocrates, qui, bien qu’ayant exprimé leurs préoccupations sur certaines actions de Trump contre l’Iran, ont tou­jours été des partisans fidèles du programme de guerre permanent de l’impérialisme américain. 

Dans tout le pays, des gens ont manifesté pour dire « Pas de guerre américaine contre l’Iran ! », refusant également les sanctions américaines contre l’Iran qui tuent quotidiennement des femmes et des enfants iraniens, et exigeant que le gouvernement américain retire toutes ses troupes du Moyen-Orient. 

Pas un meeting, pas un rassem­blement où les orateurs n’ont pas évoqué le fait que les États-Unis sont devenus un État-voyou (ils l’ont toujours été, mais c’est encore plus vrai aujourd’hui), après que le Parlement irakien a voté une réso­lution exigeant que les États-Unis retirent leurs troupes du pays. Les États-Unis ont répondu au Parle­ment irakien qu’ils ne respecte­raient pas leur décision. Ce qui signifie que ces 5 000 soldats amé­ricains stationnés en Irak seront désormais considérés comme des criminels de guerre s’ils s’engagent dans une quelconque action mili­taire contre la population irakienne. 

Black Alliance for Peace est fière d’avoir été aux avant-postes de la préparation de cette Journée d’action. Nous savons que pour être efficace, cette résistance doit pouvoir compter sur des points d’appui solides, et l’un de ces points d’appuis déterminants pour la résistance anti-impérialiste aux États-Unis est la communauté afro-américaine.

Nous avons passé les deux dernières années et demie à renfor­cer ce noyau pour relancer et reconstruire les mouvements anti-guerre et anti-impérialiste les plus larges possible aux États-Unis

A.B. : Parle-nous de la guerre « à l’intérieur », ici aux États Unis, contre les Noirs. Pourquoi la population noire est-elle un élément si important dans la construction du mouvement contre la guerre, mais aussi pour la lutte contre le système capita­liste fauteur de guerres, de dévas­tation, de racisme, d’exploita­tion… 

Ajamu Baraka: Une partie de notre rôle, comme militants noirs internationalistes et anti-impéria­listes, consiste à établir le lien entre la politique de guerre de l’impéria­lisme américain (et des impéria­lismes d’Europe occidentale) et la guerre menée contre la classe ouvrière noire, et contre la classe ouvrière en général, aux États-Unis. 

Cette politique de guerre perma­nente a besoin du soutien de l’opi­nion publique américaine, ainsi que de la mise en échec de toutes les forces opposées à cette politique. C’est ce qui explique la répression accrue de l’État contre les Noirs et les immigrés, en particulier, dans la classe ouvrière aux États-Unis. 

Diverses agences gouvernemen­tales organisent la militarisation des forces de police à travers le pays. Nous avons vu également que l’entraînement croissant des forces de police américaines par les ser­vices de sécurité israéliens. Nous pensons qu’il est important de faire connaître cette évolution des ser­vices de police au grand public et de relier ce qui se passe au niveau national avec la politique de guerre permanente dans le monde. Pour les Africains, cela signifie, en parti­culier, de prêter attention aux guerres américaines sur le conti­nent africain, avec la création et de l’expansion d’AFRICOM (U.S. African Command, l’état-major des troupes américaines en Afrique). 

Pour nous, la lutte contre la guerre recoupe notre combat contre l’oppression nationale dont les Noirs sont victimes aux États-Unis, et, bien entendu, c’est également une question de classe. Nous disons à nos amis, à nos camarades et à notre peuple : pas une goutte de sang de la classe ouvrière et des pauvres ne doit couler pour dé­fendre les intérêts de l’oligarchie capitaliste. 

A.B: Concernant la lutte contre l’impérialisme dans une autre région du monde, nombre d’entre nous se sont inquiétés de la montée en puissance de l’agression contre le gouverne­ment démocratiquement élu de Maduro au Venezuela, agression à laquelle le Parti démocrate ap­porte son plein soutien. Tu suis de près les événements au Vene­zuela. Penses-tu que la menace contre le Venezuela est en train de croître, en particulier en cette année où des élections doivent se tenir ?

Ajamu Baraka: La Black Alliance for Peace s’est exprimée très clairement sur ce que nous pensons de ce qui se passe au Venezuela. Nous avons publié plusieurs communiqués et avons été à l’avant-garde de la résistance en manifestant contre la politique de l’impérialisme vis à vis du Vénézuela.

Nous considérons que le Vene­zuela est soumis à une menace constante. En fait, cette menace s’est accrue avec le voyage en Europe de Juan Guaidó, le prétendu président qui a rencontré les chefs d’État européens à Davos. Je pense qu’il pourrait y avoir une nouvelle tentative pour mettre au pouvoir cette marionnette de la droite au Venezuela.

Nous sommes également très clairs sur notre tâche essentielle qui est d’éduquer les travailleurs aux États-Unis – en particulier les Noirs – concernant la réalité au Venezuela et les efforts des deux partis au pouvoir dans notre pays pour déstabiliser le Venezuela.

L’une des principales commu­nautés à avoir soutenu le mouve­ment Bolivarien ce sont les Noirs. Nous soulignons également que 40 000 personnes sont mortes au Venezuela du fait des sanctions, et qu’une majorité d’entre eux étaient des Noirs.

Nous disons également que les hommes politiques qui aux États-Unis prétendent que « la vie des Noirs compte » et qu’il faut mettre fin aux violences policières, sont des hypocrites s’ils soutiennent le coup d’État orchestré récemment par les États-Unis en Bolivie, ou la guerre en cours et les sanctions au Moyen-Orient, ou l’intervention américaine au Venezuela, ou les attaques contre la Lybie. Nous disons au peuple Noir que ces gens là ne sont pas nos amis, mais nos ennemis.

A.B: Peux-tu nous parler de la conférence nationale de la Coalition nationale unie contre la guerre (UNAC) en préparation, et des efforts pour défendre les quatre protecteurs de l’ambas­sade du Venezuela, qui sont maintenant poursuivis comme des criminels ?

Ajamu Baraka: La coalition UNAC — dont je suis l’un des membres dirigeants — organise une conférence nationale à New York du 21 au 23 février. L’un de ses axes essentiels sera le renforce­ment de l’aspect anti-impérialiste de notre mouvement anti-guerre. 

Nous mettrons l’accent sur les menaces contre le Venezuela et la défense des protecteurs de l’ambas­sade du Venezuela, qui ont occupé l’ambassade du Venezuela pendant 37 jours pour la protéger contre une tentative de coup de force organisé par des comploteurs sous les ordres du soi-disant président Guaidó. Ces quatre militants ont été attaqués par la police, arrêtés, et sont mainte­nant menacés de lourdes peines. Il est très possible que Trump essaie de faire un exemple, et chacun d’entre eux est menacé d’un an de prison et de 100 000 dollars d’amende.

Une audience préliminaire se tient le 29 janvier, et le procès aura lieu le 11 février. Ces 4 militants ont besoin d’un soutien financier pour leur comité de défense. Nous appelons vos lecteurs à faire un don directement sur leur site web : defendembassyprotectors.org

Pour plus d’information sur ce que nous faisons, ils peuvent se rendre sur le site blackallianceforpeace.com.

Question: Veux-tu ajouter quelque chose ?

Ajamu Baraka: La situation est très difficile, mais nous sommes relativement optimistes car nous savons que les contradictions s’approfondissent. Nous savons que le pouvoir d’État est de plus en plus agressif. Mais il y a une seule issue, que ce soit dans notre pays ou dans le monde, c’est la mise en place d’un pouvoir du peuple réel­lement indépendant pour que nous puissions transformer le monde.

Il n’y a pas d’autre voie. Les contradictions entre les intérêts du capitalisme mondial et les intérêts collectifs de l’humanité collective­ment sont un gouffre sans fond.

La seule solution, face à ces contradictions irréconciliables, c’est un mouvement révolutionnaire radical mondial.