ALGÉRIE Oui à l’Assemblée constituante souveraine ! Non à l’élection présidentielle !
Entretien avec Abdelkader Bentaleb, militant du Comité d’organisation des socialistes internationalistes d’Algérie (COSI).
Le dernier numéro de votre publication, Minbar el Oummel, affirme que l’alternative est « élection présidentielle ou Assemblée constituante ». Pourquoi ?

Le chef d’état-major, qui exerce le « pouvoir réel », vient d’annoncer que l’élection présidentielle sera fixée « au plus tard le 15 septembre ». Il peut compter sur le soutien du « panel » de personnalités qu’il a désigné pour le « dialogue ». En outre, le 24 août, l’essentiel des organisations et partis du pays, regroupés dans trois alliances distinctes (la « société civile », les « Forces du changement » et le « Pacte de l’alternative démocratique ») ont mis en place un comité de liaison qui a pour objectif d’harmoniser leurs feuilles de route « pour sortir de la crise ».
La seule voie contre ces « solutions » préservant le régime serait l’élection immédiate de l’Assemblée constituante souveraine. Mais cette issue est obstruée par la participation très active au processus de « dialogue » avec le régime, tant des organisations syndicales (notamment celles regroupées dans la Confédération syndicale autonome, CSA), que de partis se réclamant des travailleurs.
Pourtant, la détermination du peuple algérien est intacte, et ses aspirations réitérées chaque vendredi : « Système, dégage ! », « La parole au peuple ! », « Non au dialogue ! ». On constate une montée en puissance des luttes sur des revendications sociales : luttes de la population de Biskra et d’autres communes pour le droit au logement, contre le rationnement de l’eau, et des dizaines de grèves ouvrières qui mettent à l’ordre du jour la grève générale.
La solution la plus favorable serait que les organisations et partis se réclamant des travailleurs rompent le cadre du dialogue avec le régime et s’unissent pour ouvrir la voie de l’Assemblée constituante souveraine et de la grève générale pour en finir avec le régime. Dans ses grandes lignes, la résolution adoptée le 24 août par l’assemblée générale des citoyens de Bgayet (Béjaïa), en se prononçant explicitement pour l’Assemblée constituante souveraine et en lui donnant le contenu démocratique et social conforme aux aspirations des masses, ouvre cette perspective.
Les initiatives tournées vers le « dialogue » avec le régime, comme le « Pacte de l’alternative démocratique » auquel participent le Parti des travailleurs (PT) et le Parti socialiste des travailleurs (PST), provoquent-elles un débat ?
Les dirigeants du PST sont pris en tenaille entre leur présence active au sein du « Pacte » et l’action de leurs militants en faveur de l’Assemblée constituante et de la grève générale. La pression de nombre de militants a empêché la direction du PST de participer à la rencontre du 24 août, mais sans l’amener à rompre. La direction ruse en affirmant que dans le «Pacte» «ce qui nous unit est plus important que ce qui nous divise ». Mais les militants du PST savent que le RCD et l’UPC (deux partis membres du « Pacte ») sont favorables à un dialogue avec le régime et aux accords avec l’Organisation mondiale du commerce et l’Union européenne, etc.
Le PT est aussi en crise. D’abord, le régime a provoqué une scission au sommet du PT, entraînant six députés sur onze et quinze membres du comité central. Il s’agit incontestablement d’une tentative de destruction du parti par le système. Parmi ceux qui ont refusé de suivre ces six députés, des divergences politiques commencent à s’exprimer. D’un côté, la direction du PT participe au « Pacte de l’alternative démocratique » et à la rencontre du 24 août. De l’autre, des militants en vue, sur le terrain, tirent à boulets rouges sur le dialogue avec le régime, impulsent la perspective de l’Assemblée constituante et la constitution de comités populaires. D’un côté, un dirigeant se prononce contre la grève générale dans les champs pétroliers et gaziers, de l’autre, des militants à la base y sont favorables. D’un côté, un dirigeant déclare dans la presse que « le véritable sens des articles 7 et 8 » de l’actuelle Constitution permettrait d’ouvrir la voie à l’Assemblée constituante. De l’autre, des militants affirment que cette Constitution est caduque, précisément parce que l’article 7 (qui reconnaît la souveraineté du peuple) est annulé par l’article8 qui prétend que cette souveraineté populaire s’exerce à travers la présidence de la République, l’Assemblée populaire nationale, et autres institutions corrompues et rejetées. C’est d’ailleurs cet argument constitutionnel que le régime utilise pour convoquer l’élection présidentielle.
Propos recueillis le 2 septembre 2019