URGENT

UKRAINE « À quoi auront servi toutes ces rivières de sang ? »

Nous publions des extraits d’un rapport réalisé, dans une grande ville d’Ukraine proche des combats, par un groupe de militants ouvriers ukrainiens.

« Fin août, les dirigeants de la région se sont empressés de “réjouir” la population en annonçant le renforcement de la mobilisation. “Il faut que la société comprenne que c’est toujours la guerre”, a déclaré le commandant adjoint des forces armées. 

Alors, on fait la chasse à tous ceux qui essayent d’y échapper. Dernière affaire en date : le bureau du procureur régional a indiqué qu’un citoyen qui avait ouvert un groupe sur le réseau social Telegram sera jugé en vertu des articles du Code pénal pour “obstruction aux activités des forces armées ukrainiennes”. Il risque une peine de prison importante. Pourtant, le citoyen en question n’est pas un partisan du défaitisme révolutionnaire ou du mot d’ordre “Paix entre les peuples, guerre aux gouvernements”. Sur son groupe Telegram – qui avait des milliers d’abonnés – on trouvait d’ailleurs des messages de soutien à l’armée ukrainienne, des messages antiRusses et nationalistes. Mais son réseau social renseignait aussi ses abonnés pour qu’ils évitent les patrouilles qui interpellent les hommes dans la rue pour les envoyer au front. 

Au front justement, l’avancée de l’armée russe dans la zone allant de Koupyansk à Kremenna semble aussi peu couronnée de succès que les tentatives ukrainiennes de percer vers la mer d’Azov. Côté ukrainien, un nombre croissant de jeunes refusent d’aller combattre. Mais côté russe, le moral n’est pas au beau fixe non plus. Le 9 août a été révélée l’existence d’une cave dans le village de Zaïtsevo (région de Louhansk) où étaient parqués des soldats russes survivants de l’unité “Storm”. On les envoie sur des champs de mines dans des assauts incessants, parfois sans armes. “Sur cent soldats de notre unité, nous ne sommes que vingt survivants”, raconte l’un d’eux dans un enregistrement. “Ceux qui refusaient de monter au combat, l’officier leur tirait personnellement une balle dans les jambes.” 

Tant côté ukrainien que côté russe, on rencontre de plus en plus de soldats qui comprennent instinctivement qu’ils ne sont que de la chair à canon. Ces soldats finiront-ils par rallier des positions anti-guerre ? Ce n’est pas encore certain. Ce qui est certain, c’est que si les choses continuent comme ça, il n’y aura bientôt plus un seul soldat vivant pour être envoyé dans de nouvelles offensives, d’un côté comme de l’autre. Quand les travailleurs ukrainiens, épuisés et affaiblis, pourront-ils enfin souffler ? Et à quoi auront servi toutes ces rivières de sang ? »