RUSSIE La cible du régime : le mouvement ouvrier

Le jeune militant anarchiste Azat Miftakhov sera resté moins de cinq minutes en « liberté ». Il était en prison depuis 2019 à l’issue d’un procès fabriqué de toutes pièces. Humiliations, mise à l’isolement et tortures ne l’ayant pas brisé, les autorités russes l’avaient inscrit, fin août, sur la « liste des terroristes et des extrémistes » afin d’avoir un prétexte pour pourvoir l’arrêter dès sa sortie de prison. À peine sorti le 4 septembre, il a été arrêté par des hommes cagoulés du FSB (Service fédéral de sécurité) surgis d’une camionnette immatriculée en Tchétchénie. Un tribunal de la ville de Kirov a décrété sa mise en détention jusqu’au 3 novembre. Il sera jugé pour « apologie du terrorisme » sur la base de prétendus « témoignages » extorqués à trois prisonniers. « Je remercie tous ceux qui m’ont soutenu. Votre solidarité m’aide à tenir. Je suis certain que la Russie connaîtra un avenir meilleur », a-t-il pu déclarer au tribunal.
L’accusation de « terrorisme » est désormais systématiquement utilisée par le régime policier du Kremlin pour réprimer tous ceux qui se réclament du combat contre la guerre et l’exploitation. Le sociologue et militant de gauche Boris Kagarlitsky a lui aussi été inclus dans la « liste des terroristes et extrémistes » après son arrestation le 25 juillet.
Le 5 septembre, la Procurature générale a caractérisé la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF) d’« organisation indésirable » sur le territoire de la Fédération de Russie. Or, pas moins de sept organisations syndicales indépendantes en Russie sont affiliées à l’ITF. Parmi lesquelles le Syndicat des marins RPSM, dont le président, Youri Soukhoroukov explique : « Pas moins de 198 000 marins russes sont employés dans l’industrie du transport maritime, et la plupart bénéficient de conventions collectives négociées par l’ITF. Chaque marin russe – j’insiste, chaque marin – sait ce qu’est l’ITF. C’est souvent la seule instance à laquelle un marin peut s’adresser et obtenir une aide réelle. Qu’il s’agisse de salaires impayés ou de défense juridique de leurs droits. »
Il n’y a aucun hasard au fait que le régime des oligarques, englué dans sa guerre en Ukraine, frappe le mouvement ouvrier. Selon les statistiques officielles, un tiers du budget de l’État depuis le début de l’année a été englouti par le budget de guerre. Mais, de l’autre côté, des « experts » s’inquiètent de ce que « l’Extrême-Orient, la Sibérie, l’Oural et les régions septentrionales seront les premières à souffrir de l’augmentation significative du prix du pain » (NGS.ru, 4 septembre). Pour les deux millions d’habitants de l’agglomération sibérienne de Novosibirsk, il a déjà augmenté de 10 %, tandis que les salaires stagnent.
Avec nos correspondants