URGENT

ÉTATS-UNIS « Le mouvement ouvrier doit s’engager pour la libération de Mumia Abu-Jamal » — Clarence Thomas

L’entretien avec Clarence Thomas ci-dessous a été réalisé par Alan Benjamin, membre du comité de rédaction de la lettre d’information hebdomadaire de The Organizer pour la lettre d’information hebdomadaire du COI. Le camarade Thomas est l’ancien président de la section 10 de l’ILWU(1) et reste responsable de base dans le mouvement ouvrier de l’agglomération de San Francisco Bay en tant que militant syndical retraité.

Question : Camarade Clarence, tu es l’un des organisateurs du Forum international du 1er février et de son Appel à l’action pour libérer Mumia Abu Jamal et tous les combattants de la liberté antiracistes et anti-impérialistes. Tu as publié ton propre Appel à l’action pour ce forum dans lequel tu as souligné la nécessité de mettre fin à l’héritage de l’esclavage, des lois Jim Crow (2), de l’Apartheid et de la violence raciale perpétrée contre les Afro-américains, en particulier. 

Pourquoi ce Forum international est-il si important aujourd’hui ? Et quels sont les nouveaux développements dans l’affaire Mumia qui font que la libération immédiate de Mumia est une nécessité absolue ? 

Clarence Thomas

Clarence Thomas : Mumia est innocent. Il a été piégé parce qu’en tant que journaliste révolutionnaire, il a fourni les preuves de la répression frappant les Afro-américains à Philadelphie ainsi que d’autres crimes commis par la classe dirigeante en Pennsylvanie. Sa parole avait du poids. Il était, et reste, la voix de ceux qui sont réduits au silence, un homme d’une grande intégrité et d’un grand courage. Il a été pris pour cible à un très jeune âge parce qu’il était membre du Black Panther Party et aussi en raison de sa grande intelligence. C’est pourquoi le pouvoir en place, à commencer par le Parti Démocrate et l’Ordre fraternel de la police, veulent qu’il soit définitivement mis derrière les barreaux. 

La situation de Mumia n’est pas unique. De nombreux autres prisonniers politiques ont été piégés et sont en prison à vie. 

Un fait dont on parle peu est que, depuis un certain temps, Mumia est membre de la National Writers Union (3). La NWU est affiliée à l’UAW (4). Il a dit à plusieurs reprises combien il était fier d’être membre d’un syndicat. Il n’a jamais cessé de soutenir le mouvement syndical. C’est un fait qui doit être porté à la connaissance du mouvement syndical international. 

Pendant la période de l’apartheid en Afrique du Sud, les personnalités socialement engagées, mais aussi le clergé noir et les dirigeants syndicaux noirs, se sont élevés avec force contre les crimes de l’apartheid. Mais la lutte contre l’apartheid ici aux États-Unis n’a pas suscité le même engouement qu’en Afrique du Sud.

Nous ne pouvons pas ignorer ce fait : le mouvement syndical et la société dans son ensemble subissent l’influence de la suprématie blanche. Les lois Jim Crow, l’incarcération massive des Noirs, des Latinos et des Amérindiens et le mouvement de libération des Noirs ne reçoivent pas l’écho qu’ils méritent. 

C’est pourquoi le combat pour libérer Mumia est si important. Il doit être libéré maintenant, aujourd’hui ! Toutes les preuves qui étaient tenues secrètes – et qui désormais sont rendues publiques – révèlent qu’il y a eu un coup monté. Nous devons faire de la liberté de Mumia un exemple à suivre. Le cas de Mumia représente une opportunité pour tous les prisonniers politiques qui ont été piégés. Nous devons tous les faire sortir de prison. 

C’est le moment, l’occasion pour le mouvement ouvrier national et international de se manifester, de se mettre en avant et de faire quelque chose, car si nous ne le faisons pas, nous serons tous les jouets de cette duperie. Nos luttes pour le droit de vote, le droit du travail, les droits des femmes, et plus encore, sont toutes liées les unes aux autres. Nous luttons tous contre les politiques néolibérales sous une forme ou une autre. Nous devons mettre en avant ce qui nous relie. 

Question : Dans ta déclaration de soutien au Forum international du 1er février, tu parles des arrêts de travail d’une journée organisés au fil des ans par la section 10 de l’ILWU comme des exemples du type d’actions qui pourraient être organisées au niveau international. Peux-tu nous en dire plus ? 

Clarence Thomas : Lors de moments clés de la lutte, tant dans notre pays qu’à l’étranger, les membres de l’ILWU – et de la section 10 en particulier – ont exercé leurs droits démocratiques en tant que travailleurs, et ils ont fait grève pour exiger la justice et la satisfaction des revendications. 

Pendant la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, nous avons refusé de décharger des cargaisons en provenance d’Afrique du sud. Notre action a eu un écho mondial. En 1999, 29 ports de la côte ouest ont été fermés pour demander justice pour Mumia. En 2008, 29 ports ont été fermés pour protester contre les violences policières à l’encontre des Noirs. En 2020, les ports ont à nouveau été fermés le 19 juin. La liste est longue. 

Le mouvement syndical pourrait utiliser son influence dans l’économie mondiale et mener des actions comme celles que nous avons menées. La situation est urgente. Nos droits de vote en tant qu’Afro-Américains sont attaqués de front. Le Parti Démocrate n’est même pas capable de protéger le droit de vote du peuple afro-américain. Plus que jamais, nous devons nous mobiliser en notre propre nom. 

Si l’un d’entre nous est attaqué, c’est nous tous qui sommes attaqués. Liberté pour Mumia Abu Jamal ! Liberté pour tous !

Notes 

(1) International Longshore and Warehouse Union: Syndicat des dockers 

(2) Les Lois Jim Crow étaient des lois imposant la ségrégation raciale, adoptées par les législations des États à majorité Démocrate blanche après la période de reconstruction, à la fin du XIXe siècle. Ces lois ont été appliquées jusqu’en 1965. 

(3) National Writers Union : syndicat des journalistes, pigistes et écrivains

(4) International Union, United Automobile, Aerospace and Agricultural Implement Workers of America. Un des syndicats les plus puissants recrutant ses membres non seulement dans l’industrie automobile et aérospatiale mais dans un très grand nombre d’activités diverses.