OTAN : vers la militarisation générale de l’Europe

Un article paru dans la Tribune des travailleurs (France)
Que faut-il retenir du sommet de l’OTAN qui s’est réuni à Madrid (État espagnol) du 28 au 30 juin ? Selon les communiqués officiels de cette alliance militaire dirigée par les États-Unis, fondée en 1949, le sommet de Madrid a opéré un « tournant stratégique ». Lequel ?
L’OTAN qualifie désormais la Russie de « menace la plus significative et directe pour la sécurité des alliés ». L’alliance militaire ajoute : « Nous ne pouvons pas écarter la possibilité d’une attaque contre la souveraineté ou l’intégrité territoriale des alliés. » Non seulement l’OTAN n’écarte pas l’hypothèse d’une confrontation directe mais, dans les faits, elle la cherche : ainsi, pendant le sommet, des bombardements ont eu lieu sur la ville russe de Belgorod, à 40 kilomètres de la frontière ukrainienne, conséquence des livraisons d’armes massives à l’Ukraine des pays de l’OTAN. Peu avant le sommet, le gouvernement lituanien (membre de l’OTAN et de l’Union européenne) avait décrété le blocus de l’enclave russe de Kaliningrad (territoire russe enclavé entre la Lituanie et la Pologne et base navale russe de la mer Baltique).
Enfin, le sommet de Madrid a été l’occasion pour le président des États-Unis d’imposer au président turc, qui s’y opposait, l’adhésion à l’OTAN de la Suède et de la Finlande (la Finlande compte 1 300 kilomètres de frontières terrestres avec la Russie). En « échange », cela va sans dire, d’un engagement des gouvernements suédois et finlandais qu’ils restreignent les activités des militants kurdes réfugiés sur leur territoire.
Mais ce n’est pas seulement la Russie qui est visée. Dans la continuité du sommet du G7, réunissant quelques jours plus tôt les chefs d’État des sept pays impérialistes les plus puissants (et l’Union européenne), le sommet de l’OTAN a clairement ciblé la Chine, un « défi pour sa sécurité ». Le sommet de l’OTAN a également envisagé d’intervenir au Sahel, où l’impérialisme français est en grande difficulté. La Chine, le Sahel et hier l’Afghanistan… on est loin de l’Atlantique Nord, censé être la zone d’intervention de l’OTAN.
Le sommet de l’OTAN a été l’occasion de décisions allant vers la remilitarisation générale de l’Europe. 300 000 soldats de toutes nationalités ont été placés en état d’alerte à l’est du continent et Biden a annoncé, sans le chiffrer, qu’il augmenterait le nombre de soldats américains présents sur le continent (ils sont déjà plus de 100 000). « Les États-Unis font exactement ce que j’ai dit que nous ferions si Poutine envahissait l’Ukraine : renforcer nos moyens en Europe. Avec plus de navires ici, en Espagne, plus de défense aérienne en Italie et en Allemagne, plus de F-35 au Royaume-Uni, et il y aura un nouveau quartier général permanent pour le 5e corps d’armée en Pologne », a annoncé Biden.
Tout cela a un coût. Biden a annoncé 800 millions de dollars supplémentaires d’aide militaire à l’Ukraine (traduisons : 800 millions de dollars pris dans les poches des contribuables américains et offerts aux multinationales nord-américaines de l’armement). Son plus fidèle allié, le Premier ministre britannique Boris Johnson, a ajouté : « Les 2 % (c’est-à-dire l’objectif fixé en son temps par Trump que les pays membres de l’OTAN augmentent leurs dépenses militaires jusqu’à 2 % de leur produit intérieur brut – ndlr) ont toujours été conçus comme un plancher, et non comme un plafond, et les alliés doivent continuer à se mobiliser. »
Ces dizaines de milliards de dollars et d’euros supplémentaires, qui iront engraisser les marchands d’armes et alimenteront la prochaine guerre mondiale, il faudra bien les prendre quelque part et tout le monde sait où : dans les budgets des services publics, des écoles, des hôpitaux, des routes, des salaires des fonctionnaires, etc.
À noter : cette politique dictée par Biden à ses « alliés » de l’OTAN n’a suscité aucune résistance, en particulier de la part des gouvernements dans lesquels siègent les partis « socialistes » (Allemagne, Belgique, Portugal) ou des coalitions de partis « socialiste », « communiste » et de « gauche radicale » (État espagnol). S’appuyant sur le vaste consensus pro-OTAN au Parlement européen, ils ont tous validé les décisions du sommet. Un sommet de préparation à une nouvelle guerre mondiale.
Biden, représentant des oligarques américains, pouvait bien, à l’issue de ce sommet, rendre hommage à Poutine. Grâce à l’intervention militaire en Ukraine du représentant des oligarques russes, s’est félicité Biden, l’OTAN est « plus unie que jamais »… derrière les intérêts de Wall Street.
Jean Alain