URGENT

RUSSIE Malgré la guerre, la résistance ouvrière se fraye sa voie

Malgré la répression de toute expression de protestation contre la guerre en Ukraine, un de nos correspondants raconte : « Il est extrêmement significatif que plusieurs groupes de soldats aient refusé de partir en Ukraine. Car, pour un engagé, refuser signifie un licenciement immédiat et définitif de l’armée et de possibles poursuites judiciaires. » On a recensé, parmi les refus collectifs de soldats de partir en Ukraine : douze membres de la Garde russe de Krasnodar (1er mars), quatre-vingts marins d’un régiment de Crimée, soixante engagés d’un régiment de Pskov, onze membres des forces spéciales du ministère de l’Intérieur de Khakassie, cinquante-huit engagés d’un régiment de Kaliningrad (29 mars) et l’essentiel d’un régiment d’Ossétie du Sud (31 mars). Ces soldats engagés viennent souvent des régions les plus pauvres, celles où le seul employeur est l’armée.

Par milliers, ils crient: « Nique la guerre ! »

Malgré le bourrage de crâne «patriotique», le rejet de la guerre s’exprime dès que possible. Le 20mai à Saint- Pétersbourg, des milliers de jeunes participaient au concert du groupe de rock Kis-Kis. Soudain, une clameur monte de la foule, scandée et répétée par des centaines et des milliers de voix : « Nique la guerre ! »

La guerre a provoqué une crise sans précédent dans le Parti communiste, dont les dirigeants, explique un de nos correspondants « ont défendu sans surprise une position chauvine en soutenant la guerre ». Un responsable des Komsomol (Jeunesses communistes) dans une région nous explique : « Dans l’organisation du PC de notre ville, tous les jeunes sans exception, mais aussi quelques personnes d’âge mûr et une toute petite partie des membres de la direction sont contre la guerre, défendant des positions marxistes. À l’inverse, tous les membres les plus âgés, les fonctionnaires du parti et la quasi-totalité des dirigeants soutiennent la guerre. » À Sourgout (Sibérie centrale), cinquante-sept militants du PC ont collectivement rendu leur carte du parti, protestant « contre les positions antipopulaires et réactionnaires » de la direction. Leur décision a été prise après le discours de Nikolaï Kolomeitsev, député et dirigeant du PC, qui avait exigé de Poutine le bombardement intensif de la capitale de l’Ukraine.

« Nous, les hommes du 3ᵉ bataillon de fusiliers…»

Incroyable, mais vrai : cette vidéo a fait le tour des canaux Telegram opposés à la guerre. Devant au moins 200 étudiants et ouvriers en uniforme paramilitaire enrôlés dans les milices pro-russes de la République populaire de Donetsk (DNR) en Ukraine, un homme lit, au nom de tous les enrôlés, une adresse à Denis Pouchiline, chef de la DNR. Il demande que tous les enrôlés soient immédiatement démobilisés. Il interpelle Pouchiline :« Contrairement à vos déclarations, selon lesquelles les réservistes mobilisés ne prennent pas part aux combats, mais seulement au maintien de l’ordre public, nous, les hommes du troisième bataillon de fusiliers du 105e régiment avons été envoyés au combat à Marioupol depuis le 13 mars 2022. Et cela alors que la plupart d’entre nous étions, avant d’avoir été mobilisés, étudiants ou travailleurs de diverses entreprises et industries, sans aucun rapport avec l’armée, et que nombre d’entre nous aurions dû être exemptés pour raison médicale. Nous sommes épuisés physiquement et moralement, et 60 % des effectifs ne sont plus en état de combattre ! »

Des tribunaux aux cours d’écoles, des salles de concert jusque dans l’armée, un cri retentit : « Non à la guerre » !

Dans la classe ouvrière, la guerre et la propagande patriotique du Kremlin n’ont pas réussi à empêcher des grèves d’éclater, alors que les sanctions ont provoqué une hausse de 20 % des prix des produits alimentaires et une vague de licenciements. Un militant raconte : « À Novossibirsk, 200 travailleurs de la société de ramassage des ordures EkoTrans-N poursuivent leur grève depuis le 19 avril 2022 contre la détérioration des conditions de travail. Le 9 mai, l’assemblée générale a décidé de constituer un syndicat, et deux jours plus tard, le syndicat était déclaré. Le 16 mai, le syndicat a proposé d’ouvrir des négociations. »

À Novossibirsk, les travailleurs de la société de ramassage des ordures Eko Trans-N sont en grève

Un autre militant nous informe que dans l’usine de locomotive de Kolomna, dans la région de Moscou, « les travailleurs viennent d’élire une nouvelle direction du syndicat, et ils ont choisi les nouveaux dirigeants parmi leurs camarades. Le syndicat lutte désormais activement contre l’arbitraire patronal. La direction de l’usine a tenté d’intimider les militants avec des méthodes policières, mais elle n’y est pas parvenue. »

Avec nos correspondants