TUNISIE L’UGTT en crise… au moment où les travailleurs en ont le plus besoin

Un courrier de lecteur de Tunis

Depuis sa création en 1946, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a joué un rôle majeur dans l’histoire de la Tunisie, tant après l’indépendance qu’après la révolution de 2011. Mais la crise qu’elle traverse a réduit son influence et sa capacité à défendre les intérêts des travailleurs tunisiens.

L’un des facteurs de la crise, ce sont les tensions politiques internes et externes. Après 2011, l’UGTT est devenue un acteur majeur de la scène politique, elle a participé à de nombreux « dialogues nationaux » et à des ententes entre diverses forces politiques. Mais des désaccords, au sein même de la centrale, entre différents courants soutenant tel ou tel parti, ont affecté son indépendance.

Les divisions au sein du syndicat ont affaibli sa capacité à adopter des positions unifiées, portant atteinte à sa crédibilité auprès de la base ouvrière, qui a souvent reproché à ses dirigeants de se lancer dans le jeu politique au détriment des intérêts des syndiqués. Parmi le peuple tunisien, le prestige de l’UGTT en a souffert. En outre, à plusieurs reprises, ont été commises des attaques contre son siège central et des violences à l’encontre de ses militants*.

Le chômage élevé, l’inflation galopante et la faible croissance économique ont pourtant amené l’UGTT à se confronter au gouvernement à de nombreuses reprises, avec des actions syndicales qui se sont multipliées ces dernières années, tant dans le secteur public que privé.

Les premiers signes de la crise sont apparus lors du congrès de Tabarka, en 2011, lorsque les délégués ont refusé de modifier les statuts de la fédération qui limitent la possibilité de se présenter au bureau exécutif pour seulement deux mandats. À l’approche de la fin du deuxième mandat de Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT, un congrès extraordinaire, tenu à Sousse en 2021, a amendé les statuts, lui permettant d’être désigné pour un troisième mandat. Quoi que l’on pense de la limitation ou non du nombre de mandats dans les instances, cela a été interprété par une partie des délégués comme une manipulation pour assurer le maintien de la direction. La crise actuelle a atteint son point culminant avec l’appel à la tenue d’un congrès extraordinaire qui ouvrirait la voie à l’élection d’une nouvelle direction, sans attendre le congrès régulier de 2027.

Toute la société tunisienne est ébranlée par la crise que traverse l’UGTT. Un cycle de négociations, importantes pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, doit commencer cette année. Pour les travailleurs et les classes pauvres qui aspirent à l’amélioration de leur pouvoir d’achat en chute libre à cause de la « vie chère », ce que va faire l’UGTT dans ces négociations revêt une importance cruciale. Ses divisions internes ne risquent-elles pas d’affecter le résultat de ces négociations ?

Lotfi G.

* Attaques menées par des groupes réactionnaires, notamment en 2012 et 2024.