Le rôle des femmes dans le mouvement des étudiants contre la discrimination en 2024

Du 6 juillet au 5 août, les masses ont assisté à la chute du gouvernement fasciste, au pouvoir depuis 15 ans. Ici, la plupart des gens considèrent le mouvement comme une révolution, tandis que d’autres l’appellent un soulèvement de masse. 

Le fait de me trouver à l’épicentre (l’université de Dhaka) où la révolution de juillet a commencé m’a permis de comprendre le mouvement de près. Les sit-ins à Shahbagh, Bangla blocked, Ghayabana janaza, la procession des cercueils et le blocus total, etc., désignés sous différents noms, se sont poursuivis comme un mouvement continu mené par les étudiants de l’université. Les étudiants d’autres universités, écoles, collèges et madrasas ont ensuite rejoint le mouvement. Aujourd’hui encore, lorsque je ferme les yeux et que je me souviens de ces journées de juillet, ces slogans enflammés me reviennent à l’oreille :

Quota na (ou) Medha (intelligence) ? Medha, medha.

Haute cour na (ou) Rajpoth (autoroute) ? Rajpoth, rajpoth.

J’attachais le drapeau national sur mon front ou je l’enroulais autour de mon corps, assise sur la route, je frappais des deux mains, je criais des slogans à gorge déployée avec mon camarade. Ces souvenirs remontent à la surface. Entre-temps, nous avons perdu nos compagnons et de nombreuses personnes ordinaires, comme des enfants innocents, qui regardaient curieusement par la fenêtre pour voir des hélicoptères voler dans le ciel ou entendre un bruit fort à l’extérieur. Plus de 2000 personnes sont mortes. Abu Saed, Mir Mugdho, Fayaz, Ahnaf, la petite fille Riya et tant d’autres. De plus, d’innombrables personnes sont maintenant  handicapées à long terme. Sous les ordres du gouvernement fasciste de Hasina, les forces de l’ordre sont devenues des instruments de terreur semant le chaos.

En tant qu’étudiante en sciences politiques à l’université de Dhaka, j’appelle ce mouvement à la fois une révolution et un soulèvement populaire. Pourquoi je dis cela, venons-en au sujet :

Le conseiller principal du gouvernement intérimaire du Bangladesh, lauréat du prix Nobel de la paix, le professeur Dr. Muhammad Yunus, l’a dit dans son discours du 11 septembre 2024. Le mouvement est baptisé « révolution de juillet » et « soulèvement de masse des étudiants et des travailleurs » contre le fascisme.

Dans le secteur public du Bangladesh, le quota de 30 % est sans aucun doute une règle déraisonnable pour les combattants de la liberté qui ont contribué à la libération du pays en 1971 et dont le nombre représente moins de 0,5 % de la population totale actuelle du pays. Et lorsque les jeunes étudiants talentueux ont élevé leur voix contre cette absurdité, le mouvement étudiant a commencé. Ils ne demandaient rien d’autre qu’une réforme du système inéquitable des quotas. Le gouvernement fasciste de Hasina a pris ce mouvement et l’esprit des étudiants à la légère et en a payé le prix fort en mettant fin au régime. Non seulement les étudiants, mais aussi les étudiantes ont joué un rôle essentiel. Les étudiantes voulaient également abolir le « quota féminin », qui leur permettait d’obtenir des emplois publics. La contribution des étudiantes à la révolution de juillet a été remarquable. En bref, il s’agissait du premier mouvement dans l’histoire du Bangladesh où les femmes étaient en première ligne avec les hommes, du début à la fin du mouvement. Pendant la révolution, de nombreuses étudiantes ont été victimes de harcèlement dans les rues. Pourtant, elles n’ont pas quitté l’autoroute. Elles ont défilé avec des slogans dès le premier jour des différentes manifestations, les jours où elles marchaient d’un pas vif sur l’autoroute ou se cassaient  la voix pour crier des slogans resteront à jamais gravés dans ma mémoire.

Dans ce rapport, je souhaite vraiment mettre en lumière les positions et les conditions des femmes bangladaises, qui s’engagent dans la sphère publique en tant qu’aides à domicile, ouvrières de l’habillement, journalières et autres types d’emplois. Ici, la plupart d’entre elles sont moins éduquées et ignorent également leurs droits. Elles sont donc constamment victimes de discrimination sur leur lieu de travail. Elles sont souvent négligées, même après avoir travaillé au péril de leur vie. En fin de compte, elles n’ont rien à gagner, si ce n’est de faibles salaires. Et  leur position sociale est également négligée. À une époque où tout le monde rêve d’un État sans discrimination, une grande partie de la population du pays vit constamment dans un état de discrimination. Ce n’est pas du tout souhaitable.

Dans ce mouvement de 36 jours consécutifs, les étudiants au début et le peuple en général à la fin du mouvement sont descendus dans la rue en solidarité avec les étudiants. Après le soulèvement, le gouvernement intérimaire a été formé sur la base de l’opinion des étudiants pour gouverner le pays. Mais ensuite… ?

La corruption et les irrégularités persistantes dans les secteurs importants du pays au cours des 15 dernières années du régime du gouvernement Hasina sont une source d’inquiétude. En cette période post-révolutionnaire, des personnes de tous horizons se réjouissent de l’avènement d’un deuxième pays indépendant. Toutefois, il n’est pas facile de jouir de cette liberté. On  dit que « la liberté est plus difficile à défendre qu’à gagner ». Et le sens profond de ce proverbe n’est pas facile à comprendre pour les habitants de ce pays. C’est pourquoi des personnes de tous horizons (tels que la police, les avocats, Ansar, les travailleurs du planning familial, les travailleurs du secteur de l’habillement, etc) ont commencé à se battre pour les droits de chacun au lieu d’aider le gouvernement. La situation après la révolution est vraiment instable. Enfin, le gouvernement intérimaire a décidé de déployer des forces militaires sur le terrain afin de normaliser la situation chaotique, et celle-ci se normalise progressivement.

À l’occasion du premier mois de prise en charge du gouvernement intérimaire, le Docteur Muhammad Yunus s’est adressé à la nation le mercredi 11 septembre 2024. Dans son discours, il a fait part de la réforme de l’État en créant six commissions chargées des réformes à différents niveaux, qui seront dirigées par six citoyens éminents.

Chaque jour, le gouvernement intérimaire travaille progressivement à l’amélioration de tous les secteurs du pays. Tous les habitants du pays aspirent désormais à un changement positif de la situation politique du pays. En fin de compte, les gens ordinaires veulent un État non discriminatoire où chacun jouit de tous les avantages en fonction de ses mérites.

Sabrina Islam Shefa
Département de sciences politiques
BSS 3e année
Université de Dhaka