Élections 2024 : Après 10 ans de règne, Modi perd la majorité assurée par son seul parti au gouvernement.
Lors des élections de 2019 le BJP (Bharatiya Janata Party – Parti du peuple indien) du Premier ministre indien Narendra Modi avait obtenu 303 des 543 sièges du Parlement. En outre, le BJP avait reçu le soutien de certains partis partageant les mêmes idées, ce qui lui avait permis d’obtenir une majorité absolue. L’opposition n’avait pratiquement pas eu droit à la parole. Les règles en vigueur au Parlement avaient été brutalement ignorées. Modi s’est révélé être un autocrate. Lors des élections qui viennent de s’achever et dont les résultats ont été publiés le 4 juin 2024, Modi a subi un revers ; son parti a été réduit à 240 sièges, soit 32 de moins que la majorité d’un seul parti. Même l’opposition n’a pas été en mesure d’obtenir 272 sièges.
Le Premier ministre Narendra Modi tente désespérément de mettre sur pied un gouvernement de coalition avec le soutien de certains partis régionaux. Un gouvernement de coalition est susceptible de changer l’atmosphère politique en Inde.
Avant les élections d’avril-mai 2024, Modi avait prédit que son parti, le BJP, remporterait à lui seul 370 sièges et que les partis soutenant le BJP auraient 30 députés supplémentaires. Ainsi, une majorité absolue de 400 sièges dans le nouveau parlement lui permettrait de faire avancer son programme inachevé en faveur des entreprises, d’une part, et ses orientation politiques étroitement nationalistes, d’autre part. Parmi les nombreuses mesures prises par le BJP lorsqu’il était au pouvoir, l’une concernait les agriculteurs et l’autre les ouvriers. Il est vite apparu que faire passer la modification des lois agricoles n’était pas si facile ; la résistance prolongée des agriculteurs a contraint Modi à reculer. Les lois agricoles ont été retirées. Les lois sur le travail ont été modifiées mais ne sont pas mises en œuvre. En lieu et place des 44 codes du travail existants, le BJP a créé quatre codes du travail en faveur des capitalistes, sans aucune discussion au parlement ni consultation avec les syndicats. La mise en œuvre des nouveaux codes du travail devait être la priorité du BJP après les élections de 2024. Le BJP n’a plus la majorité absolue à laquelle il s’attendait.
Au cours de la période 2014-2024 sous le régime Modi, l’Inde a été le théâtre d’une attaque systématique contre les agriculteurs, les travailleurs, les opprimés et les communautés minoritaires, en particulier les musulmans. De nombreuses mosquées et églises ont été attaquées. Des musulmans ont été lynchés dans différentes régions du pays au motif qu’ils faisaient le commerce de vaches (vénérées en Inde) et que des stocks de viande bovine avaient été trouvés chez eux. Les dirigeants du BJP de Modi, fanatiques de l’hindouisme de droite, se sont vantés qu’au cours de son troisième mandat de Premier ministre, à partir de juin 2024, la constitution indienne serait transformée, car le BJP et l’organisation qui l’a inspiré, le RSS (Rashtriya Swayam Sevak Sangh Organisation des volontaires nationaux), s’est toujours opposée aux principes fondamentaux contenus dans le préambule de la constitution indienne. Le préambule de la constitution affirmait liberté, fraternité, égalité, laïcité et socialisme pour tous les habitants de l’Inde, indépendamment de leur religion, de leur statut, de leur caste ou de leur couleur. L’objectif du RSS était la création d’une nation hindoue pour laquelle a été créé le BJP. La RSS n’était pas disposée à accepter que les plus de 200 millions de musulmans vivant dans différentes parties du pays bénéficient de l’égalité des droits.
Le règne de Modi, qui a duré dix ans, a même supprimé l’espace démocratique limité dont disposaient auparavant les hindous et les musulmans. En outre, il est devenu flagrant que la richesse se concentrait entre les mains d’une infime minorité tandis que la multitude sombrait de plus en plus dans la misère. Certains des amis de Modi sont devenus multimilliardaires.
Lors des élections de 2024, les partis d’opposition ont uni leurs efforts pour soulever les questions du chômage, de l’inflation, des atteintes à la constitution et à la démocratie, ainsi que des atteintes aux droits des minorités. La majorité des hindous, des musulmans, des agriculteurs, des travailleurs et des jeunes ont ainsi voté contre le BJP.
Les élections ont cependant révélé une fois de plus que la gauche indienne est dans une situation dramatique. En raison des politiques économiques suivies par les différents partis depuis 1990, il n’y avait même pas en Inde une seule circonscription ouvrière. Le nouveau parlement comptera moins de 10 membres appartenant aux partis communistes établis. Cela est également dû au soutien apporté aux candidats de gauche par certains partis régionaux dans le cadre d’alliances politiques.
N. Vasudevan, Mumbai, 4 juin
Dernière minute : Modi a été élu à la tête d’une coalition multipartite comptant 293 membres au Parlement. Certains des partenaires de la coalition qui étaient avec le BJP il y a quelques années, se sont opposés à Modi sur les questions de laïcité, ont rejoint d’autres formations, mais ont maintenant décidé de soutenir à nouveau le BJP. Modi est devenu vulnérable. La haine a cédé la place à une certaine flexibilité.
