AUSTRALIE Australia Asia Worker Links « Des milliers et des milliers de travailleurs ont été forcés d’avoir recours aux organisations humanitaires pour pouvoir survivre »
Auteur : Australia Asia Worker Links – Date : Novembre 2020
1/ Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire pour la population – surtout pour la classe ouvrière ? Quel est l’impact du COVID sur l’emploi ? Combien d’emplois ont été perdus ?
Comme l’Australie est une ile, elle a pu fermer totalement ses frontières avant que le virus ne s’installe dans le pays. Dès fin octobre, on recensait presque 28 000 cas de Covid-19 en Australie avec un tout peu plus de 900 morts. C’est l’état de Victoria qui a été le plus touché avec plus de 20 000 cas recensés et environ 850 morts. La majorité des décès est survenue chez les personnes de plus de 60 ans. C’est le secteur de la gériatrie, frappé par les réductions budgétaires et le travail précaire, qui a subi les atteintes les plus graves et les travailleurs des secteurs de l’hôtellerie et de la santé. Pour le premier, cela est dû à la nature précaire de l’emploi et pour le deuxième c’est dû au fait que les travailleurs y sont constamment au contact des malades porteurs du virus. On a ressenti les premiers effets dans les secteurs du tourisme et des voyages et chez les étudiants venus d’autres pays puisque les frontières entre états étaient fermées et les déplacements inter-états, soit interdits soit, sévèrement restreints. Des centaines de milliers de travailleurs ont été touchés. Les formes de confinement diffèrent d’une région à l’autre en Australie mais c’est le secteur hôtelier et celui de la grande distribution qui montrent les effets les plus visibles.
2/ Peut-on disposer des chiffres des morts chez les travailleurs en général et particulièrement chez les travailleurs de première ligne y compris les médecins et les autres personnels hospitaliers.
Dans le Victoria, environ 3 600 personnels sanitaires ont contracté le virus dont 80% à cause de leur travail. Moins de 5 pour cent des travailleurs malades sont morts. Le taux d’infection pour les travailleurs de la santé dans d’autres états est légèrement inférieur car il y a eu moins de pression sur les travailleurs de la santé à cause d’un nombre moins élevé de malades et il a été possible d’obtenir davantage d’équipements personnels de protection et un meilleur respect des règles d’hygiène et de sécurité. L’industrie de la viande a été particulièrement touchée. Plus de 1 000 personnes travaillant dans les abattoirs ont contracté le Coronavirus. Plusieurs sont morts. Cette industrie subit encore les restrictions du gouvernement qui exige des réductions de personnel. Des dizaines de milliers de travailleurs n’ont pas pu travailler et ont subi des pertes de salaire. Ceux qui travaillent dans ce secteur doivent obligatoirement être testés régulièrement, ceux qui sont positifs ou qui doivent subir une quarantaine doivent prendre sur leurs propres congés.
3/ Quelles ont été les mesures prises par le gouvernement pour faire face à la pandémie, et celles qui n’ont pas été prises ? Des réductions de salaires ont-elles été imposées par les patrons et les gouvernements ?
Les gouvernements d’état et le gouvernement fédéral ont imposé une série de fermetures de frontières, de mises en quarantaine et de mesures de confinement qui ont varié au cours des mois. Les gouvernements ont instauré des mesures d’allocation compensatoires pour les travailleurs mis au chômage, les petites entreprises obligées de fermer, certains gouvernements ont accordé des congés de maladie à des travailleurs obligés de subir une quarantaine mais qui ne pouvaient pas disposer de congés de maladie. Ces aides d’urgence, y compris une suspension temporaire des expulsions du domicile, des échéances de remboursement pour acquisition d’une maison et des mises en faillite pour certaines entreprises ont amorti le choc de la crise économique pour beaucoup lors des six premiers mois de la pandémie.
Certaines de ces mesures ont désormais pris fin et c’est maintenant que les travailleurs ressentent l’impact économique. En même temps, de grands secteurs de l’économie comme les déplacements ont été laissés à l’abandon alors que des groupes comme les étudiants internationaux et les travailleurs migrants temporaires n’ont reçu aucune aide. Les travailleurs précaires qui ne bénéficiaient pas d’un emploi à long terme auprès d’une entreprise n’ont reçu aucune aide. De nombreuses entreprises, comme les compagnies aériennes, les média et les universités ont licencié en masse et des dizaines de milliers de travailleurs ont perdu leur emploi. Des milliers et des milliers de travailleurs de ces secteurs ont été forcés d’avoir recours aux organisations humanitaires pour pouvoir survivre.
4/ Quelles sont les nouvelles attaques lancées contre les droits des travailleurs et la démocratie par les patrons et les gouvernements qui ont profité de la pandémie durant cette année ?
Le gouvernement réunit des tables rondes avec les entreprises et les syndicats et ils ont mis au point la méthode de changement des contrats de travail pour donner très peu de temps aux travailleurs pour riposter aux changements. Beaucoup pensent que les lois destinées à accentuer encore la dégradation des conditions de travail vont être introduites bientôt. Les salariés qui négociaient de nouveaux contrats durant cette période ont subi beaucoup de pressions. Les augmentations de salaires sont minimes car il a été difficile pour les salariés de s’organiser et de négocier durant la pandémie. En Australie, grèves, piquets de grève et la majorité des actions revendicatives y compris les réunions sur le lieu de travail, les réunions syndicales et l’envoi de messages de solidarité syndicale sont très sévèrement limités et passibles de lourdes sanctions. Durant la pandémie le droit de s’organiser et de manifester a été très sévèrement restreint et aussi bien de la part de la droite que de la gauche, on a fait usage des forces de police, de la police anti-émeutes et des patrouilles de l’armée pour empêcher les meetings, pour intimider les organisateurs de manifestations ou les arrêter
5/ Depuis des années, le nombre de travailleurs du secteur informel ne cesse d’augmenter. Il faut que le combat contre le travail précaire amène le mouvement syndical à réfléchir à l’organisation de ces travailleurs. Ceux qui travaillent dans le secteur informel paient très cher la crise sanitaire. Dans quelle situation sont-ils depuis mars 2020 ? A quelles réactions cela a-t-il donné lieu ?
En Australie aussi, ce sont les travailleurs précaires dans les secteurs du soin aux personnes âgées, de la sécurité et de l’hôtellerie qui ont payé le prix le plus fort en termes de risques pour leur santé et leurs revenus. De plus, beaucoup de travailleurs disposant de visas de travail temporaires se sont retrouvés encore plus fragilisés car ils ont perdu leur emploi et se retrouvent plongés davantage encore dans la précarité. Le fait que la précarité au travail a contribué à l’expansion du virus a été largement mis en lumière et a fait l’objet de beaucoup de discussions. Alors que la prise de conscience de ce fait est très forte, aucune mesure concrète n’a été prise pour apporter une solution.
6/ Ce sont les femmes qui ont été le plus touchées. Ce sont elles qui sont les premières à perdre leur emploi, les dernières à être réembauchées lorsque leur entreprise rouvre ses portes. Il leur a fallu prendre en charge les enfants privés d’école. Avec le confinement, les violences domestiques ont augmenté. Quelle forme cela a-t-il pris ? Quelles ont été les mobilisations pour défendre les droits des femmes travailleuses ?
En Australie comme dans le reste du monde, une majorité des travailleurs les plus touchés ont été les femmes aussi bien parce qu’elles ont été davantage exposées au virus ou parce que leur charge de travail a augmenté car elles travaillent dans ce que l’on appelle les professions de l’aide à la personne. Beaucoup de femmes étaient employées dans les secteurs du voyage et de l’hôtellerie. Certes des recherches montrent que les hommes se sont davantage investis dans les tâches ménagères pendant le confinement, ce sont quand même les femmes qui assument l’immense majorité du travail. Ainsi, pour beaucoup de femmes travailleuses, le travail à la maison s’est doublé de la charge de travail due au confinement. Les violences domestiques demeurent un problème en augmentation. Les gouvernements ont accordé quelques fonds supplémentaires pour les services à la famille mais la demande a mis ces services dans une tension incroyable. Beaucoup d’organisations peinent à répondre à la demande.
Il n’y a pas eu de grande mobilisation.
7/ Avec les nouvelles technologies, les capitalistes démantèlent les relations au travail, restructurent les entreprises et détruisent les emplois. Quelles sont les conséquences et quelles menaces pèsent sur les relations au travail dans la période qui vient ?
Certaines entreprises ont annoncé une accélération des programmes d’automatisation.
Le confinement a forcé beaucoup de salariés à travailler à domicile et les employeurs envisagent cela comme leur stratégie d’avenir. Cela va permettre aux employeurs de faire supporter aux travailleurs eux-mêmes les coûts de fonctionnement d’un bureau. De plus, empêcher les travailleurs de se retrouver ensemble atomise encore davantage la classe ouvrière. Les travailleurs risquent davantage de se faire exploiter et cela rend l’organisation syndicale plus difficile.
Durant cette période, les livraisons de marchandises, de produits, de repas ont énormément augmenté. La grande majorité de ceux qui travaillent dans ces secteurs sont une main d’œuvre précaire et l’emploi n’y est pas assuré.
8/ Quelles positions ont prises les organisations de travailleurs et leurs directions ? Quelles étaient les revendications ? Quelle a été leur attitude par rapport aux plans élaborés par les patrons et les gouvernements ?
La revendication principale des syndicats tournait autour de mesures d’hygiène et de sécurité et surtout des équipements personnels de protection, de la charge de travail et de sécurité au travail. Ils ont également revendiqué davantage d’allocations pour les salariés mis au chômage. La majorité des syndicats ont restreint les actions revendicatives à cause des lois interdisant les manifestations et les rassemblements.
Les syndicats tiennent des conférences et des réunions pour élaborer des stratégies afin de combattre le danger d’infection du Covid-19 sur le lieu de travail, contre les nouvelles conditions créées par le travail à domicile et contre l’augmentation du travail précaire, de la pauvreté et du chômage. Cela dit, il y a eu peu d’actions de solidarité en soutien aux travailleurs dans les entreprises les plus touchées et avec les travailleurs ne bénéficiant pas des mesures du filet de sécurité. Des propositions ont été faites par les syndicats sur la manière d’améliorer les aides et sur la façon dont l’activité économique devrait être restructurée, mais les syndicats australiens n’ont organisé que des campagnes limitées pour faire face aux attaques des capitalistes et du gouvernement pendant la période d’urgence économique et sociale de 2020.