URGENT

ÉTATS-UNIS Amazon
 : Quand les profits augmentent, les accidents du travail aussi

Selon une étude de l’institut syndical Strategic Organizing Center* sur des données déclarées au département du Travail des États-Unis, le développement phénoménal des profits d’Amazon est étroitement lié à un niveau élevé d’accidents du travail (AT). 

De 2010 à 2020, Amazon est passé de 33 700 à 1,3 million de salariés. Son résultat net annuel est passé de 1,1 à 21,3 milliards de dollars et son fondateur, Jeff Bezos, est devenu l’homme le plus riche du monde avec une fortune supérieure à 170 milliards de dollars. 

Depuis ses débuts en 1994, Bezos a toujours été obsédé par la nécessité de la rapidité de toutes les étapes du processus de production. Chez Amazon, ces méthodes ont abouti à un taux d’accidents du travail deux fois plus élevé que chez ses concurrents, et les accidents y sont plus graves avec des arrêts maladie plus longs. Mais chez Amazon, les employés subissent une pression pour revenir travailler alors qu’ils sont encore convalescents. 

Découlant des méthodes de management, le taux d’accidents du travail a continué de croître : de 7,5 % en 2017 à 9% en 2019. En 2020, il a sensiblement baissé à 6,5 % (mais reste toutefois supérieur de 63 % au taux enregistré chez les concurrents). 

En effet, en mars 2020, face aux protestations et grèves sauvages de salariés inquiets par le développement de la pandémie, Amazon a été contraint de suspendre temporairement ses mesures sur le temps de traitement des opérations de production, ainsi que son système de sanction pour les employés des entrepôts « sous-performants ». D’où cette légère diminution en 2020. 

En revanche, les livreurs n’ont pas bénéficié de cet assouplissement et l’étude constate que le taux d’accidents n’a pas baissé dans cette catégorie en 2020. Pour un taux d’accidents de 6,3 % dans les centres de distribution, on grimpe à 9,5 % dans les stations de livraison Amazon et à 13,3 % chez les livreurs sous-traitants. S’agissant d’accidents de la route, on note que les accidents graves sont en hausse de 25 % par rapport à 2019. La majorité des livreurs travaille pour les milliers de sous-traitants d’Amazon, mais leurs conditions d’exploitation sont soumises aux règles d’Amazon : nombre de colis, itinéraires, informations de conduite et bientôt des caméras embarquées qui filmeront le livreur ! 

Dès octobre 2020, Amazon a remis en place son système d’augmentation de la productivité et des cadences. Pour la majorité des travailleurs victimes d’accidents, ce sont le résultat direct de la pression sur la productivité et la rapidité. Selon beaucoup de témoignages, même pendant la pandémie, Amazon a sanctionné ou menacé des travailleurs qui ne suivaient pas le rythme de travail exigé. 

L’usage de robots dans certains centres de distribution qui expédient des colis petits et moyens soumet les employés à une pression accrue et les accidents graves y étaient de 50 % plus nombreux en 2019 que dans les centres non robotisés. Quand un employé ramasse ou range un article, une minuterie commence un compte à rebours jusqu’à ce que l’employé manipule l’article suivant. Si le décalage entre les tâches est trop long ou si le nombre d’articles manipulés par employé est insuffisant, le système informatique alerte les managers pour qu’ils sanctionnent ceux qui ne sont pas en mesure de suivre les robots. 

Il s’agit là, ni plus ni moins, que de l’horreur de l’exploitation capitaliste, qui génère des profits au détriment de la santé et de la vie des travailleurs. On comprend mieux l’acharnement des travailleurs à vouloir constituer des syndicats dans les entrepôts Amazon aux États-Unis… et l’acharnement de l’administration Biden de maintenir les lois anti syndicales. 

Nathan Gatot 

* Fondé par quatre syndicats américains représentant plus de quatre millions de travailleurs : SEIU (employés), les Teamsters (chauffeurs routiers), CWA (communication) et United Farmworkers (travailleurs agricoles).